En attendant Nadeau, n° 206, octobre 2024, à propos de Marc Joly, La Perversion narcissique. Étude sociologique. CNRS Éditions, 2024.
Depuis une quinzaine d’années, le concept clinique de « pervers narcissique » est entré dans le langage courant. Effet de mode ou révélateur de profondes transformations sociales ? Les deux, répond le sociologue Marc Joly dans une enquête éprouvante sur des femmes victimes de pervers narcissiques et leurs tentatives pour s’en libérer. À lire ici.
En attendant Nadeau, n° 202, août 2024. À propos de Geoff Dyer, Les derniers jours de Roger Federer. Et autres manières de finir, trad. de P. Mathieu. Éditions du sous-sol, 2024.
Le précédent ouvrage traduit en français de Geoff Dyer, Ici pour aller ailleurs (trad. P. Demarty, Sous-Sol, 2020), s’ouvrait sur une scène amusante : sa visite de la Cité interdite en compagnie d’une guide qui ne connaissait pas grand-chose au monument mais se révélait charmante. Le lecteur de ce nouveau livre doit se préparer à une expérience comparable. La soixantaine passée, Geoff Dyer, critique et romancier britannique vivant aux États-Unis, pioche librement dans l’histoire de l’art et dans ses souvenirs pour méditer sur le temps qui passe et emporte tout vers sa fin. À lire ici.
Quaderni, Communication, technologies, pouvoir, n° 111, p. 115-124. À propos de RIEFFEL Rémy, L’Emprise médiatique sur le débat d’idées. Trente années de vie intellectuelle (1989-2019), PUF, 2023.
L’ouvrage traite de problèmes importants et difficiles à cerner, notamment la surface médiatique occupée par une poignée d’intellectuels et l’impact des médias numériques sur la vie des idées. Il présente l’intérêt de synthétiser de nombreux travaux sur les médias dans un style vif. Mais il souffre aussi d’importants défauts. En ligne aussi ici.
Lectures, 14 mai 2024. À propos de STARK David (dir.), Practicing Sociology. Tacit Knowledge for the Social Scientific Craft, Columbia University Press, 2024.
Le sociologue David Stark a invité d’éminents collègues à répondre à l’une des trois questions suivantes : comment choisissez-vous un nouveau sujet de recherche ? Quelle est votre stratégie de publication ? Une fois que vous avez reçu les rapports des relecteurs, comment améliorez-vous un article soumis à une revue ? Les réponses de 33 chercheurs ont été publiées dans trois numéros spéciaux de la revue Sociologica, que les presses universitaires de Columbia viennent de rééditer en un volume. À lire ici ou dans sa version complète ci-dessous.
En attendant Nadeau, n° 197, 7 mai 2024. À propos de BROWN Kate, Plutopia. Une histoire des premières villes atomiques, trad. de C. Weis, Actes Sud, 2024 [2013].
Deux communautés idylliques, construites au milieu de nulle part, l’une aux États-Unis et l’autre en Russie, ont fourni en plutonium l’arsenal atomique des deux rivaux de la Guerre froide. Plutopia, livre remarquable de l’historienne américaine Kate Brown, en retrace la terrifiante histoire. À lire ici.
Terrestres, 18 mars 2024. À propos de ORESKES Naomi et CONWAY Erik M., Le Grand mythe. Comment les industriels nous ont appris à détester l’État et à vénérer le libre marché, trad. de É. Roy, Les liens qui libèrent, 2024 [2023].
Le livre propose un récit édifiant des efforts déployés par le patronat américain pour promouvoir une idéologie anti-État et pro-marché. La thèse est ambitieuse, mais la démonstration ne suit pas. En ligne ici.
Critique, vol. 11, n° 919, 2023, p. 1046-1056. Autour de RADDEN KEEFE Patrick, Empire of Pain : The Secret History of the Sackler Dynasty, Knopf Doubleday, 2021.
Entre 1999 et 2010, les prescriptions d’opioïdes ont quadruplé aux États-Unis, tandis qu’augmentaient d’autant les addictions et les décès liées à ces dérivés de l’opium. En 2021, le nombre total des Américains morts d’une overdose liée aux opioïdes était proche de 500 000, suffisamment pour faire baisser l’espérance de vie aux États-Unis. À l’origine de cette catastrophe sanitaire, on trouve la campagne marketing la plus agressive jamais entreprise par l’industrie pharma- ceutique pour vendre un narcotique potentiellement addictif, dont plusieurs livres viennent de retracer l’histoire et les désastreuses conséquences.
Lectures, 28 septembre 2023. À propos d’ARON Raymond, Critique de la pensée sociologique. Cours au Collège de France (1970-1971 et 1971-1972), Odile Jacob, 2023.
La publication posthume des cours d’illustres professeurs offre parfois une fenêtre incomparable sur les pans non publiés de leur œuvre, leurs choix de méthodes ou le contexte intellectuel de l’époque. On pense aux cours de Foucault sur la souveraineté et la biopolitique, ou à ceux de Bourdieu sur Manet et sur l’État, riches en apartés auto-réflexives et en stimulantes hypothèses. Ce n’est malheureusement pas le cas de ces deux premières années de cours dispensées par Raymond Aron au Collège de France, et l’on peut d’autant plus s’interroger sur les raisons de leur parution que l’auteur a beaucoup publié de son vivant. Ces deux années d’enseignement, qui devaient constituer la suite de son ouvrage Les étapes de la pensée sociologique, ont pour ambition « tout à la fois de fonder, de justifier et de limiter la pensée sociologique et sa portée » (p. 25). Mais cette ambition est largement déçue. Dans ses Mémoires, Aron admettra lui-même avoir « manqu[é] totalement ce cours » et jugera qu’il ne méritait pas d’être transformé en livre. En ligne ici.
Revue française de sociologie, vol. 63, n° 3, 2022, pp. 603-605. À propos de DELAPORTE Chloé, La Culture de la récompense. Compétitions, festivals et prix cinématographiques, Presses universitaires de Vincennes, 2022.
Alors que les universitaires se focalisent habituellement, à l’instar des médias, sur les lauréats des prix cinématographiques et audiovisuels, ce livre montre que ces prix valorisent au moins autant les « récompenseurs » que tous les récompensés. Une enquête d’une grande finesse empirique, vivante, bien écrite et richement illustrée.
Lectures, 12 octobre 2022. À propos de DASTON Lorraine, Rules : A Short History of What We Live By, Princeton University Press, 2022.
Le dernier ouvrage de Lorraine Daston propose une histoire des règles en Occident depuis l’Antiquité – une histoire des manières de penser la règle, mais aussi de l’appliquer. Malgré ce programme écrasant, l’historienne des sciences produit une réflexion pleine de qualités : bien écrite, claire, d’une érudition réjouissante et jamais gratuite, volontiers drôle. Même si le livre n’est pas sans défauts importants. En ligne ici.
20 & 21. Revue d’histoire, n°153, 2022, p. 186-187. À propos de COLON David, Propagande. La manipulation de masse dans le monde contemporain, Belin, 2019, et Les Maîtres de la manipulation. Un siècle de persuasion de masse, Tallandier, 2021.
Deux livres qui cumulent problèmes de définition, affirmations abusives, approche restrictive et surestimation des effets de la propagande.
29 septembre 2022.
La recension de Kevin Mellet me paraît poser trois problèmes : mal résumer le livre, lui inventer des lacunes et promouvoir des travaux pour des raisons qui semblent plus personnelles que scientifiques. Comme on va le voir en la reprenant point par point, il s’agit d’une recension à charge. Elle est en ligne là et ma réponse est à lire ici.
Lectures, 20 juin 2022. À propos de SALMAN Scarlett, Aux bons soins du capitalisme. Le coaching en entreprise, Presses de Sciences Po, 2021.
Si j’en crois mon expérience de lecteur, le travers est courant en sciences sociales : pour donner une cohérence ou du clinquant à ses découvertes, par goût de l’abstraction, ou peut-être pour rentabiliser de longues heures de lecture, le chercheur presse ses résultats dans le moule de théories toutes faites. Peu maniables, intimidants, ces gros blocs conceptuels sont souvent à peine discutés ou nuancés, même quand le matériau les contredit. Le plus clair du temps, ils aveuglent plus qu’ils n’éclairent les données durement glanées, à la manière d’une puissante source lumineuse placée non pas en surplomb d’un tableau mais juste à côté. En ligne ici.
Lectures, 4 avril 2022. À propos de LE BART Christian et MAZEL Florian (dir.), Écrire les sciences sociales, écrire en sciences sociales, Presses universitaires de Rennes, 2021.
Qu’ils le veuillent ou non, et quelle que soit leur discipline, les chercheurs font le métier d’écrire. La vie de l’esprit se déroule en public. Il faut passer par l’écrit pour formuler ses idées, les trier, les articuler, les tester, les partager. Et les communautés scientifiques sont organisées autour de la production, de la réception et de l’usage de textes. Même dans les sciences dures, comme l’ont montré Bruno Latour et Steve Woolgar à propos de la biologie, les scientifiques sont « des écrivains compulsifs, sinon maniaques ». Ce que désirent les universitaires (un poste, une augmentation, un financement, de la reconnaissance, des disciples), c’est largement par l’écrit qu’ils peuvent l’obtenir. Bref, l’écriture est une affaire sérieuse.
L’article entier est en ligne là. Les conseils de lecture qu’il présente sont en ligne ici.
Critique, tome 56, n°882, 2020, pp.952-968, à propos de HARCOURT Bernard E., La Société d’exposition : désir et désobéissance à l’ère numérique, trad. de S. Renaut, Seuil, 2020 [2015], et The Counterrevolution : How Our Government Went to War against Its Own Citizens, Basic Books, 2018.
La Société d’exposition part d’un constat qui ne devrait plus surprendre depuis les révélations d’Edward Snowden, en 2013 : « Notre envie de publier des selfies sur Instagram et des commentaires sur Facebook, de faire des recherches sur Google, d’acheter sur Amazon, de regarder des films sur Netflix et des vidéos sur YouTube alimente sans qu’on le veuille les mécanismes de surveillance des GAFA, de la NSA, de la DGSE et des services de renseignement du monde entier » (p. 252). Son originalité est d’essayer de lier cette surveillance généralisée à deux réalités en apparence très éloignées : d’un côté une économie du désir, de l’autre les politiques répressives menées aux États-Unis depuis le 11-Septembre. L’ambition est très louable, mais la démarche intellectuelle n’a pas toujours la rigueur qui rendrait la démonstration convaincante.
Review of Johann Chapoutot, Free to Obey : How the Nazis Invented Modern Management, translation by S. Rendall, Europa Editions, 2023 (Libres d’obéir. Le management, du nazisme à aujourd’hui, Gallimard, 2020). Review originally published in French in the Revue d’histoire moderne et contemporaine, Vol. 3, no. 67, 2020, pp.171-187.
Johann Chapoutot’s new book makes two main claims : not only that Nazism was a “managerial moment,” but also that it was “one of the seedbeds of modern management.” He fails to prove either of these hypotheses. The first part of the book describes a Nazism that is not particularly managerial, while the second describes a management that is not particularly Nazi. Regarding the “managerial moment” claim, Chapoutot focuses on just a handful of SS jurists whose ideas had more to do with military command than management, and whose influence on management seems minimal. As for the second claim, it relies on a flawed syllogism : an SS jurist becomes an influential management instructor in postwar Germany ; some elements of his managerial theory were already present in his pre-1945 writings ; therefore, management is tied to Nazism. In attempting to tackle a vast question, Chapoutot offers a history that is riddled with blind spots, partial, and sometimes even tendentious. (Article original en français.)
Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 3, n° 67, 2020, pp.171-187. À propos de CHAPOUTOT Johann, Libres d’obéir. Le management, du nazisme à aujourd’hui, Gallimard, 2020.
Le livre défend deux thèses : le nazisme a été non seulement « un moment managérial », mais aussi « une des matrices du management moderne ». Ni l’une ni l’autre de ces thèses n’est cependant démontrée, la première partie du livre présentant un nazisme bien peu managérial, et la deuxième un management bien peu nazi. En fait de « moment managérial », J. Chapoutot ne s’intéresse qu’à une poignée de juristes SS dont les réflexions avaient davantage à voir avec le commandement militaire qu’avec le management, et dont l’influence dans le domaine managérial semble insignifiante. La seconde thèse, quant à elle, repose sur un syllogisme biaisé : un juriste SS devint un influent professeur de management dans l’Allemagne d’après-guerre ; or des éléments de sa théorie managériale étaient présents dans ses écrits antérieurs à 1945 ; donc le management est lié au nazisme. Face à une question immense, J. Chapoutot propose une histoire constellée d’angles morts, partiale et parfois même tendancieuse. (English translation here.)
Zilsel, n°6, octobre 2019, pp.418-466. À propos de : VERDERY Katherine, Secrets and Truths : Ethnography in the Archive of the Romanian Secret Police, Central European University Press, 2014, et My Life as a Spy : Investigations in a Secret Police File, Duke University Press, 2018.
« Je suis allée en Transylvanie en 1973, pendant le règne du dictateur communiste Nicolae Ceau ?escu, afin de conduire des recherches ethnographiques sur la vie rurale ; je suis retournée en Roumanie pour continuer ces recherches à plusieurs reprises dans les années 1970 et 1980, cumulant plus de trois années sur place. Puis, plusieurs décennies plus tard, j’ai découvert que la police secrète roumaine, la Securitate, avait constitué un énorme dossier de surveillance à mon sujet : 2781 pages. À sa lecture, j’ai appris que j’étais “en réalité” une espionne, un agent de la CIA, une agitatrice hongroise, une amie de dissidents : bref, une ennemie de la Roumanie. » (2018, p. xi)
Lectures, 27 mai 2019. À propos de CHAMAYOU Grégoire, La Société ingouvernable. Une généalogie du libéralisme autoritaire, La Fabrique, 2018.
Je dois commencer par dire que je connais personnellement Grégoire Chamayou. C’est lui qui a proposé mon premier livre au comité de rédaction de La Découverte, et il a accueilli mon second livre dans sa collection « Zones », au sein des mêmes éditions. Je n’entreprends donc pas cette critique de gaité de cœur. Le compte rendu d’Alexandre Klein ayant bien résumé le livre, je me contenterai de pointer les travers de la thèse et les limites de la méthode. En ligne ici.
La vie des idées, 8 mars 2019
Voté par l’Assemblée nationale en octobre 2018, le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) est actuellement examiné par le Sénat. C’est l’occasion de revenir sur la démocratie d’entreprise, qui vient de faire en France l’objet d’une abondante littérature. En ligne ici.
À propos de BOURDIEU Pierre, Anthropologie économique, cours au Collège de France, 1992-1993, éd. établie par P. Champagne et J. Duval, Seuil ; Raisons d’agir, 2017.
Bourdieu s’est intéressé à l’économie depuis ses premiers travaux en Algérie. Tout en bâtissant une œuvre « orientée, et cela dès l’origine, contre la réduction de toutes les pratiques à l’économie » (1992, p. 92), il emprunte de nombreux concepts à la théorie économique : capital, investissement, profit, valeur, offre, demande, marché, monopole, contrat, concurrence. Il est ainsi surprenant de voir qu’il n’a consacré à l’économie que deux années de ses cours au Collège de France, dont seule la première est ici retranscrite. Ces neufs cours, donnés entre avril et juin 1993, se divisent en deux parties : à une longue introduction consacrée à l’« Essai sur le don » de Mauss succède une réflexion très générale sur la théorie néoclassique, l’homo œconomicus et les fondements sociaux de l’action économique. Ils sont assez décevants.
Revue française de science politique, vol. 67, n°3, 2017, pp. 547-554. À propos de BOLTANSKI Luc et ESQUERRE Arnaud, Enrichissement. Une critique de la marchandise, Gallimard, 2017.
Les sociologues Luc Boltanski et Arnaud Esquerre se proposent de faire pièce à une question économique majeure : comment les objets sont-ils investis d’une valeur propre ? Leur réponse prend la forme d’une typologie distinguant quatre formes principales de valorisation : la forme standard (objets industriels de série vendus neufs), la forme collection (objets déjà là appartenant à des séries qu’il s’agit de compléter), la forme actif (objets achetés uniquement pour être revendus), la forme tendance (objets saisonniers liés à une mode). La démonstration, très documentée, pêche néanmoins par sa longueur, ses partis pris méthodologiques et la faiblesse de ses concepts.
La vie des idées, 20 février 2017. À propos de Jean-Philippe Robé, Le Temps du monde de l’entreprise. Globalisation et mutation du système juridique, Dalloz, 2015.
Si l’entreprise n’a pas d’existence juridique, elle a su détourner le droit des individus à son profit et elle constitue en soi un système légal autonome. Ces trois thèses forment le cœur d’un recueil d’articles en français et en anglais de l’avocat et enseignant à l’École de droit de Science Po Jean-Philippe Robé. À lire ici. (Article paru sur le site laviedesidees.fr le 20 février 2017 et repris dans CHAVAGNEUX Christian et LOUIS Marieke (Ed.), Le Pouvoir des multinationales, Paris : PUF ; Vie des idées, p. 55-61.)
Lectures, 15 septembre 2016. À propos de GRAEBER David, Bureaucratie. L’utopie des règles, Les Liens qui libèrent, 2015.
Disons le tout de suite : si David Graeber est un penseur original et souvent inspiré, son dernier recueil d’articles est un peu décevant. Loin de montrer l’érudition et l’esprit de synthèse qui faisaient la force de sa critique de la dette, il ne fait que rassembler, généralement sans les approfondir, des observations déjà présentes dans ses précédents ouvrages. La sortie très médiatisée de ce livre est l’occasion de discuter les thèses politiques de son auteur et les platitudes théoriques de son militantisme.
La suite En ligne ici.
Quaderni, Communication, technologies, pouvoir, n°86, hiver 2014-2015, pp.79-82. À propos de SADIN Éric, Surveillance globale : enquête sur les nouvelles formes de contrôle, Climats, 2009, La Société de l’anticipation : le web précognitif ou la rupture anthropologique, Inculte, 2011 et L’Humanité augmentée : l’administration numérique du monde, L’Échappée, 2013.
Dans une trilogie dont le dernier volume vient de paraître, l’écrivain et philo- sophe Éric Sadin entend montrer comment les évolutions contemporaines de la technologie ont profondément transformé la condition humaine. Pour intellectuellement stimulants et séduisants qu’ils soient, ces trois essais sur les sociétés de contrôle à l’heure du numérique posent plusieurs problèmes. Pour le dire d’un mot, leur auteur privilégie souvent la prédiction et le concept dropping à l’analyse empirique et à la théorisation.
La vie des idées, 29 octobre 2013
La compréhension du monde et sa transformation peuvent-elles se réduire à de simples questions de programmation ? Alors que vient de paraître son deuxième ouvrage, Who Owns the Future ?, il n’est pas inutile de discuter les intuitions du geek humaniste Jaron Lanier, qui dénonce la standardisation des consciences et la démonétisation croissante de l’économie. En ligne ici.
La vie des idées, 2 juillet 2013. À propos de KRUGMAN Paul, Sortez-nous de cette crise... maintenant !, traduit de A. Muchnik, Flammarion, 2012.
Aux yeux de Paul Krugman, la solution à la crise est simple : l’État doit gagner moins et dépenser plus. Si les réponses gouvernementales peuvent sembler mal ajustées, c’est selon lui la faute aux dogmes économiques dominants et à de puissants intérêts particuliers. En ligne ici.
Mars 2013, à propos de HIBOU Béatrice, La Bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale, La Découverte, 2012.
Le dernier ouvrage de B. Hibou est une exploration sociologique du pullulement normatif qui accompagne l’essor du néolibéralisme depuis une trentaine d’années. Si les cas étudiés sont éclairants, on peut regretter quatre partis pris de méthode : l’assimilation de la bureaucratie à un phénomène essentiellement capitaliste ; la focalisation sur l’ère néolibérale ; une conception trop strictement régalienne de la bureaucratie et du pouvoir ; et la minoration des dimensions symboliques et culturelles de la bureaucratie.
Février 2013, à propos de FUKUYAMA Francis, Le Début de l’histoire. Des origines de la politique à nos jours, trad. de P. Guglielmina, Saint-Simon, 2012 [2011].
Publié vingt ans après son coup d’éclat sur la fin de l’Histoire, le dernier ouvrage de Fukuyama entreprend d’en raconter le début. Cette préquelle entend retracer la naissance et l’arrivée à maturité du héros de cette histoire politique de l’humanité : l’État. La méthode utilisée consiste « à généraliser et à comparer bien des civilisations et bien des époques » (2011, p.39) selon deux perspectives que nous allons maintenant discuter. Si cette quête des origines peut sembler moins intellectuellement hasardeuse que l’annonce d’une fin de l’Histoire, elle n’est guère plus convaincante.